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Télégraphe & Littérature

Si la littérature a souvent choisi Belleville pour cadre, le Quartier Télégraphe y figure assez rarement. Pour la plupart des auteurs qui s’intéressent au Belleville populaire, voire à sa légende noire, l’action se déroule dans le bas de Belleville, entre le boulevard et la rue des Pyrénées, ou tout au plus Jourdain. Plus récemment, Virginie Despentes a choisi de situer l’action de sa trilogie Vernon Subutex sur la butte Bergeyre, non loin des Buttes Chaumont.

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Jean-Jacques Rousseau

Il est vrai que Télégraphe a longtemps conservé un caractère rural, comme le montre le premier témoignage littéraire sur les hauteurs de Belleville, sans doute un peu au sud du domaine de Saint Fargeau. Il s’agit des célèbres lignes écrites par Jean-Jacques Rousseau au soir de sa vie, dans la deuxième de ses Rêveries du promeneur solitaire ...

Paul de Kock

Auteur aujourd’hui bien oublié, ce dernier fut pourtant très célèbre à son époque. Alexandre Dumas lui-même le voyait comme un rival. Eugène de Mirecourt, qui a rédigé en 1855 une biographie de Paul de Kock, en témoigne.

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Eugène Dabit

Eugène Dabit est d’origine modeste. Son père était cocher-livreur et sa mère a exercé successivement plusieurs métiers : éventailleuse, femme de ménage, concierge…

Après Eugène Dabit, il semble que le quartier Télégraphe connaisse une longue éclipse littéraire : il faut attendre 2014 et la publication d’un roman de Marc Tardieu, Les Apaches de Belleville. Petit-fils d’un Aveyronnais arrivé à Paris dans les années 30, dont l’histoire est contée dans un autre ouvrage (Le Bougnat), Marc Tardieu est lui-même né dans le quartier.

 

L’action de Les Apaches de Belleville se situe dans les années 1900. Les jeunes héros créent « la bande du Télégraphe » et c’est en ce lieu que s’ouvre le roman, plus précisément au cimetière de Belleville où vient d’être enterrée leur mère : « La grande côte dessinait des lacets qui montaient vers les nuages et on est allés comme ça jusqu’au cimetière du Télégraphe. Le Télégraphe, c’est le sommet du monde, c’est-à-dire de Paris… ». Un chemin parsemé de bistrots qui ralentissent sérieusement l’ascension !

 

On terminera cette évocation avec trois auteurs qui ne semblent pas avoir écrit sur le quartier mais qui sont enterrés au cimetière de Belleville.

 

Le premier, Armand Grébauval, né à Amiens en 1864, a habité boulevard de La Villette et a surtout écrit des récits de voyages (Au pays alpin, Au pays latin…) et quelques romans aujourd’hui oubliés (La vocation de Max). Plus que comme homme de lettres, il est resté dans les mémoires (s’il y est resté) comme un homme politique local, conseiller municipal de Paris (de 1890 à son décès) et conseiller général de la Seine (quartier Combat).

 

Georges Fallet repose dans le même cimetière. Né en 1872 à Bruxelles, fils de communards exilés, il est revenu à Belleville à l’âge de huit ans. Anarchiste (avant de devenir catholique et monarchiste), dreyfusard, ce poète symboliste qui avait choisi comme nom de plume Fagues (le hêtre) déposa chaque jour une lettre versifiée chez Émile Zola pendant toute la durée du procès de ce dernier. Cette correspondance a été publiée sous le titre Colloque sentimental entre Émile Zola et Fagues.

 

Auteur de chroniques de « paysages parisiens » sous les titres Éphémères et Pas perdus, il est aussi critique littéraire et critique d’art dans la Revue Blanche et signe en 1901 le premier article consacré en France à Picasso.

 

Il meurt en 1933 renversé par un chauffard.

 

Enfin, Eugène Bestaux, né à Nîmes en 1878 et mort à Paris en 1958, a une carrière d’enseignant à l’étranger : au Danemark, en Allemagne, en Autriche, à Prague… Il écrit sur la littérature italienne et balkanique et effectue des traductions, y compris Frédéric Mistral en allemand !

 

Traducteur du Journal de guerre de Mussolini, il participe à des journaux collaborationnistes pendant l’Occupation.

 

Pour conclure sur une note riante qui témoigne de l’attrait exercé par les hauteurs de Belleville sur les écrivains, citons l’Ode à la nymphe de Belleville du poète Saintine (1798-1865), mentionné par Carolyn Stott :

 

« Chaste nymphe de Belleville

Verse sur moi l’ombre et le frais

Le voisinage de la ville

N’a pas flétri tous tes attraits

Apparais-moi simple et riante,

Marche toujours devant mes pas

Avec ta robe verdoyante

Et ta couronne de lilas. »

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